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Agnès Smith, directrice de l’École nationale supérieure de céramique industrielle (ENSCI)

Elle est directrice de l’École nationale supérieure de céramique industrielle depuis 2006 et membre de…
Publié le 22 septembre 2011
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Elle est directrice de l’École nationale supérieure de céramique industrielle depuis 2006 et membre de la Commission des titres d’ingénieur depuis 2010. Recrutée en tant que maître de conférences, elle est actuellement professeur des universités à l’ENSCI, où elle a exercé différentes responsabilités, dont la direction des études de 2000 à 2005. Côté recherche, elle a participé à la création d’un laboratoire travaillant sur les matériaux céramiques traditionnels et ses activités concernent les céramiques obtenues sans cuisson.

Diplômée de l’École nationale supérieure de chimie de Paris (Chimie ParisTech – 1982), elle est titulaire d’un DEA de métallurgie de l’Université de Paris VI (1982) et d’un doctorat – ingénieur de l’Université d’Orléans (1985), Agnès Smith est l’auteur de plus de 120 publications scientifiques et de cinq brevets.

CGE : Vous dirigez l’École nationale supérieure de céramique industrielle (ENSCI) depuis 2006. Quelles sont les étapes majeures de votre parcours de direction depuis votre arrivée et quel est votre regard sur l’alchimie de vos enseignements et des travaux de recherche de vos laboratoires avec les attentes des entreprises de votre secteur ?

A.S. : L’ENSCI fait partie de ces écoles « spécifiques ». Elle prospère sur un créneau de niche, en l’occurrence les céramiques. Ces matériaux ont des applications dans de multiples domaines. Citons par exemple la santé (prothèses), l’habitat (argiles, tuiles, briques, ciments, bétons, verres), l’énergie (matériaux réfractaires, piles à combustible, nucléaire), les télécommunications (téléphonie, automobile) ou encore les arts de la table.

Même si l’ENSCI est une école unique en France et la plus importante en Europe, avec une spécificité en termes de formation et de recherche bien identifiée et dont la reconnaissance par les entreprises n’est plus à démontrer, unicité et spécificité ne signifient pas repli sur soi. Depuis janvier 2006, je m’inscris résolument dans une politique d’alliance où l’école met ses spécificités au service des autres et s’enrichit en retour des compétences de ses partenaires. Cela s’est traduit à plusieurs niveaux : au niveau régional ou inter-régional avec notre implication, en tant que membre fondateur, dans la création du PRES Limousin Poitou-Charentes, au niveau national avec notre cooptation en 2008 puis en 2009 par deux réseaux d’écoles d’ingénieurs (Gay Lussac pour notre cœur de cible « chimie » et « génie des procédés », et Polymeca pour le côté « mécanique » de notre formation), ou encore la constitution à partir de 2006 d’un réseau international dans le domaine des réfractaires, FIRE, qui regroupe à ce jour 15 groupes industriels et 9 institutions académiques à travers le monde.

Au-delà de ces alliances, nous avons compris depuis fort longtemps à l’ENSCI que la taille de l’établissement n’est plus adaptée au monde universitaire moderne. Depuis le 10 août 2007, un puissant outil, la loi dite « LRU », conduit les établissements de taille moyenne (<200 diplômés par an) d’une part à s’interroger sur leur devenir pour pérenniser leur développement, et d’autre part à imaginer des solutions. La réponse structurelle que nous avons apportée à ce défi est de construire un nouvel INSA, en partenariat avec le Groupe INSA et d’autres établissements d’enseignement supérieur de notre territoire, notamment l’Université de Limoges. Alain Storck, dans une récente interview donnée à Grand Angle, résumait bien les enjeux de ce geste de structuration territoriale pour le Groupe INSA.

Concernant le second point de votre question, l’ENSCI est à l’écoute permanente du monde de l’entreprise. Plutôt que de vous décliner de grandes idées générales que tous vos lecteurs connaissent, je préfère des exemples parlants. Première illustration : à la demande du secteur des matériaux céramiques « traditionnels », qui a un souci accru d’innovation, nous avons créé, il y a une dizaine d’années, un laboratoire dédié et nous avons renforcé les enseignements dans ce domaine. De 5 chercheurs à la création, ce laboratoire compte à présent 60 personnes, ce qui démontre le besoin des entreprises dans ce secteur. Autre exemple : parce que les équipementiers de nos industries veulent des ingénieurs non seulement capables d’anticiper le comportement de la matière au cours de sa mise en forme ou de sa cuisson mais aussi en mesure de dialoguer avec les responsables des bureaux d’étude ou des lignes de production, nous avons construit des modules d’enseignement centrés sur l’ingénierie et les procédés. Troisième exemple : plus récemment, le secteur nucléaire est venu nous solliciter car la céramique a de multiples applications dans cette industrie. Notre réponse a été de concevoir, en partenariat avec les grands noms du secteur nucléaire, des enseignements dédiés et des collaborations en recherche. Je pourrais encore vous citer le réseau international sur les matériaux réfractaires, qui est monté en puissance depuis 4 ou 5 ans. Ce qui caractérise aussi notre Ecole est que nos « clients » sont à 45 – 50% des PME–PMI, que ce soit pour les embauches des ingénieurs, l’aide à l’innovation ou au développement. De ce point de vue, le diplôme de recherche technologique fonctionne très bien à l’ENSCI car il permet une assistance réelle et prolongée à des entreprises qui veulent des résultats dans des délais raisonnables. Nous proposons également un doctorat, en co-habilitation avec les autres établissements du PRES.

En résumé, la force d’une école telle que la nôtre réside dans son caractère « hors bord » avec cette aptitude à mettre en place rapidement des réponses en formation et recherche, capables de satisfaire les besoins d’innovation des entreprises.

CGE : La dimension internationale de votre école s’exprime à la fois dans l’ouverture aux étudiants étrangers, dans les échanges d’étudiants et dans les projets de recherche. Quels sont les critères de réussite de ces principes de collaboration et de quelle manière participent-ils à l’accroissement de la notoriété de votre établissement ?

A.S. : Compte tenu de la taille de notre établissement et des moyens humains dont nous disposons, nous avons fait le choix de privilégier des partenariats avec des instituts ou universités étrangères qui ont des activités dans le domaine de la céramique. Les conséquences de cette politique, construite patiemment au fil des ans, se traduisent par des succès concrets. Le plus remarquable en termes d’affichage est l’identification de Limoges, aux yeux au moins de nos partenaires asiatiques, comme le « hub » européen de la céramique. Cela se manifeste par la mise en place de reconnaissances mutuelles de cursus de formation, par des collaborations en recherche académique ou partenariale avec des instituts et des entreprises à l’échelle internationale. Du côté de l’Europe, au-delà des classiques échanges d’étudiants ou d’enseignants, nous bâtissons des programmes collaboratifs avec nos partenaires industriels européens.
Cette visibilité internationale ne peut que s’accroître au fil des ans car nous bénéficions maintenant d’une unité de lieu. En effet, depuis l’automne 2010, la formation d’ingénieur ENSCI et les deux laboratoires de recherche qui travaillent l’un sur les céramiques « techniques », l’autre sur les céramiques « traditionnelles » sont désormais regroupés dans un même bâtiment qui s’appelle « Centre européen de la céramique ». Entre les étudiants en formation initiale (environ 190), les personnels, les doctorants, les chercheurs, les enseignants-chercheurs, ce centre compte environ 450 personnes. Ce bâtiment se trouve à proximité des centres de transfert, de start-up ou de centres de recherche privés en céramique. Toute la filière céramique est ainsi concentrée sur la technopole ESTER de Limoges, ce qui crée des synergies certaines.

CGE : Dans quel domaine en particulier ou pour quelle application industrielle spécifique estimez-vous aujourd’hui que les matériaux céramiques sont susceptibles d’apporter une meilleure réponse que les métaux ou les polymères ?

A.S. : C’est une question délicate car beaucoup de travaux menés sur le site sont confidentiels. Une réponse peut toutefois être trouvée dans le rapport Technologies clés 2015. On s’aperçoit que plus de la moitié font appel aux céramiques. Même s’il s’agit d’un matériau millénaire, la céramique dans sa version la plus technique a encore de beaux jours devant elle. Par exemple, pour l’instant, on n’a rien trouvé de mieux pour travailler dans des conditions extrêmes. A l’autre extrémité du spectre, les matériaux argileux jouissent d’un regain d’intérêt car ce sont des sources de matières premières quasi-inépuisables.

CGE : Pouvez-vous nous présenter les enjeux du Centre européen de la céramique et le rôle que votre établissement joue dans la réalisation de ses missions ?

A.S. : Je vous ai parlé tout à l’heure du regroupement de toutes les forces « céramique » sur un même lieu. De la volonté politique commune à la fin des années 90, entre l’Etat et les collectivités territoriales d’accroître la notoriété et le périmètre d’actions de Limoges et du Limousin dans le secteur des céramiques, est né le Centre européen de la céramique qui, au-delà de sa dimension symbolique, est un véritable catalyseur d’activités. Le fait qu’il y ait cette concentration de compétences en formation et en recherche a été déterminante dans la labellisation du pôle de compétitivité Céramique. Les effets de synergie ont été rapidement perceptibles car des entreprises ont fait le choix de s’installer dans notre voisinage immédiat. D’autres collaborent avec nous et notre portefeuille de partenaires industriels s’est ainsi étoffé. Le rôle du pôle est de faire le lien entre l’Ecole, les laboratoires et les entreprises. La nouveauté est sans doute le fait que davantage de PME–PMI osent pousser la porte de l’Ecole et des laboratoires pour se développer. Nous participons à la vie du pôle, à travers notamment son bureau, où sont discutées ses missions et ses orientations.

CGE : Les défis qui vous attendent et qui vont s’articuler autour de votre fonction à l’ENSCI seront relevés sous forme de projets. Quelles démarches privilégiez-vous dans l’organisation et la structuration de la gestion de ces projets (délimitation du périmètre d’action dans le temps et dans l’espace, mobilisation des ressources, budgétisation, livrables, applications…) ?

A.S. : A l’ENSCI, nous avons fait le choix de mettre en place une démarche qualité avec une certification ISO 9001, obtenue depuis 2009. C’est un outil de management qui permet de suivre l’avancement de nos actions en lien avec notre stratégie. La surveillance et la mesure des processus sont réalisées essentiellement au travers d’objectifs et d’indicateurs d’activité. La prochaine étape va être la mise en œuvre généralisée d’indicateurs de performance permettant au système de démontrer son aptitude à atteindre les résultats planifiés en lien avec les impacts recherchés par notre tutelle ou nos partenaires.

En savoir plus sur l’ENSCI…

Depuis 1893, l’ENSCI s’inscrit comme une référence dans la formation d’ingénieurs–céramistes. Seule école en France à former des spécialistes des procédés appliqués aux matériaux minéraux non métalliques, cette école d’ingénieurs du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, qui la le statut d’établissement public à caractère administratif rattaché par convention à l’Université de Limoges, est désormais localisée au Centre européen de la céramique, la plaçant ainsi au cœur même du pôle d’excellence en matière de recherche sur les céramiques. L’école est membre du pôle de compétitivité Céramique, ainsi que du réseau Polymeca et de la Fédération Gay Lussac, réseaux d’écoles d’ingénieurs à dominante mécanique pour l’un et à dominante chimie et génie des procédés pour l’autre. Elle a reçu, en 2009 la certification ISO 9001 pour ses activités de formation. Cette école est partenaire du groupe INSA depuis 2010.

L’ENSCI a pour mission de former des ingénieurs spécialisés en céramiques, verres et liants hydrauliques, capables de diriger des équipes, conduire des programmes de recherche, gérer des unités de production, mener des négociations dans un grand nombre de secteurs et de technologies : céramiques, verres, construction et génie civil, électronique, énergies traditionnelles ou renouvelables, nucléaire, aérospatial, TIC, transports, médical …

L’ENSCI délivre également un doctorat intitulé SIMMEA « Sciences et ingénierie en matériaux, mécanique, énergétique et aéronautique » en partenariat avec l’ENSMA de Poitiers, les Universités de Poitiers, La Rochelle et Limoges dans le cadre du PRES Limousin Poitou-Charentes. En savoir plus…

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